Au fait Kevin, nous sommes passés sur Substack sans se le dire… Tu as vu, une migration sans bavure. Merci Nadiya et mes collègues de Fabernovel. Cela nous a permis d’accueillir de nouveaux abonnés et de vous donner accès à tous nos précédents numéros. Bienvenue aux nouveaux et merci de votre fidélité aux plus anciens.
S : Patrick Boucheron explique très bien que les historiens ont décrypté la peste noire du XIVè siècle en Europe en apprenant à lire dans les manques, les trous, les chantiers qui s’arrêtaient, les registres d’état civil qui s’interrompaient… Je suis convaincu que la crise Covid pourra être analysée, au contraire, dans la suractivité des réseaux sociaux depuis que la distanciation contraint toutes les relations humaines. Ces services inventent comme jamais : apparition de nouveaux comme ClubHouse, dont tout le monde parle et qui vous fait parler sur invitation seulement, avènement de nouveaux modèles, pour la première fois non californien mais chinois, avec TikTok, course à l’innovation chez les challengers Twitter ou Snap, Facebook et LinkedIn qui ne s’endorment pas sur leurs claviers et copient à tout va sans renoncer à créer aussi. La crise sanitaire n’aura pas seulement accéléré et massifié des usages comme dans l’e-commerce, elle aura aussi favorisé l’innovation des réseaux sociaux.
K : Je te rejoins, les réseaux sociaux ont entamé des métamorphoses structurantes dans leurs formats - et je déplore que les outils de visio n’aient pas connu le même sort. Mais plus que dans les fonctionnalités, c’est dans l’appropriation de ces outils par les utilisateurs que j’observe le plus grand changement. Pense à l’épisode Gamestop dont on parlait dans le dernier numéro et qui démontre une fine compréhension de ce que rendent possible la combinaison d’un réseau social comme Reddit et d’une app de trading comme Robinhood. La vague de deepfakes mettant en scène Tom Cruise est un autre exemple de l’appropriation du pouvoir offert par l’association Intelligence Artificielle + réseaux sociaux pour produire de la fausse vérité. Regarde, même l’ex-président du Barça, fraîchement remplacé, s’est fait prendre la main dans le sac : il est accusé d’avoir fait appel à I3Ventures - un Cambridge Analytica du pauvre - pour dénigrer ses propres joueurs sur les réseaux sociaux, espérant sortir vainqueur du bras de fer qui l’opposait à ses stars et aux fans. C’est aussi une époque où le statut d’influenceur se structure comme un réel emploi, avec ses propres règles quasi-déontologiques en Chine, et où ces acteurs des temps modernes sont invités à rejoindre le syndicat des vieux acteurs hollywoodiens. Les prochaines surprises viendront sûrement encore de la maturation de notre rapport aux outils plutôt que des outils eux-mêmes.
S : Tiens puisque tu parles d’Hollywood, Netflix était sorti des Golden Globes en 2020 avec un seul prix alors qu’elle bénéficiait du plus grand nombre de nominations. Déception. En 2021, c’est la consécration et une razzia : Netflix a gagné 8 Golden Globes, si on ajoute Prime Video (Amazon), Disney+ et Apple, c’est la majorité des prix remportés pour les plateformes vs “Hollywood”. J’y vois le signe évident d’une bascule. Le pouvoir et l’économie de l’audiovisuel sont irrémédiablement passés du côté des plateformes de streaming en un an. Les producteurs, les salles de cinéma, les chaînes de télévision, vont connaître des temps difficiles à la reprise… Pour moi, c’est sans doute la pire nouvelle et le plus dramatique transfert de valeur de l’Europe vers les Etats-Unis depuis… toujours ? Si j’étais ministre ou commissaire européen, ce serait mon obsession.
K : Si j’étais ministre ou commissaire européen, mon obsession à moi, ce serait la course à l’armement qui reprend de plus belle et pour laquelle nous ne sommes que très peu préparés. Que ce soit pour y participer ou pour l’empêcher. Les robots autonomes tueurs sont sur notre radar depuis longtemps, mais voilà que la technologie qui les sous-tend arrive à maturité et qu’ils commencent à investir le champ du réel. En 2016, la police américaine avait déjà fait intervenir un robot tueur, non autonome, pour tuer l’auteur de la fusillade Dallas. Ils arrivent... Côté autonomie, l’armée américaine prévoit d’organiser cette année un combat entre l’un de ses pilotes de chasse et un avion de chasse complètement autonome. Ils arrivent... Pendant ce temps, des artistes montent un pistolet de paintball sur un robot de Boston Dynamics et permettent à tout le monde de tirer avec. Juste pour montrer que c’est possible et qu’ils arrivent... La communauté internationale s’inquiète évidemment, et les chercheurs du monde entier appellent à un traité de non prolifération des armes autonomes. Mais la Commission du Pentagone dédiée à l’évaluation de l’IA dans les enjeux de sécurité nationale ne le voit pas de cet œil. Dans son dernier rapport, la commission invite Biden à ignorer ces appels, car la “Chine et la Russie continueront à développer ces technologies quoi qu’il arrive”. La confiance est rompue. Guerre Froide 2.0. Et qui est à la manœuvre du côté américain ? Eric Schmidt, le mythique ex-CEO de Google, toujours actionnaire à hauteur de 5 milliards de dollars, et désormais président de la fameuse commission sur l’IA. Don’t be evil disait-il il y a peu avec ses potes. Et nous, comme des cons, on les a crus.
S : We Can Work It Out.
Cette newsletter perd en régularité, c’est ma faute, mais j’espère qu’elle y gagne en profondeur. En tout cas, il m’a fallu du temps pour réunir mes forces et mes idées et répondre à ton constat post Trump et Robinhood, tu disais The Revolution Will Not Be Digitized : « Le choix qui s’offre à nous : rester à la merci des titans centralisés ou plonger progressivement dans l’anarchie permise par les réseaux distribués et cryptés. Il doit bien y avoir une troisième voie mais cela demanderait l’intervention des États pour encadrer l’une ou l’autre des alternatives, et je les en crois de moins en moins capables. »
Statu quo post ou pre bellum ?
Pour te répondre j’ai invoqué les algorithmes, ceux de Spotify en l’occurrence (notre seule véritable plateforme européenne) pour savoir qui succèderait au sombre Gil Scott Heron en demandant au service de streaming de me proposer une radio en fonction de “The Revolution Will Not Be Televised”. J’ai été heureux d’entendre Stevie Wonder qui reprenait cette même année 1971 les Beatles avec ce message : We Can Work It Out.
Do I have to keep on talking 'til I can't go on?
Run the risk of knowing that our love may soon be gone
Pas mal, non ?
Alors, je creuse et cherche comment on pourrait « work it out ».
L’opposition titan centralisé vs réseaux distribués est identifiée depuis longtemps. Les premiers à m’en avoir parlé sont mes camarades de La Cantine et de ces années un peu folles où Paris cherchait à inventer la FrenchTech en mélangeant les communautés open source et mobile, véritables spécificités de l’écosystème français, sous l’oeil de chercheurs en sciences sociales dont la plupart était encore salariée par France Telecom R&D, ex-CNET et pas encore Orange Labs. Je pense en particulier à Christophe Aguiton (entre autres faits d’armes fondateur de Sud et d’ATTAC) et Dominique Cardon, l’un de nos penseurs du numérique en Europe, désormais directeur du laboratoire de recherche du Medialab de Sciences Po. La dichotomie donc, c’est celle des césaristes pragmatiques contre les technophiles utopistes. En gros, un Google ou un Parti Communiste Chinois qui te met une main sur l’épaule en te disant : “confie-moi tes données, c’est encore moi qui sait le mieux les protéger et tu auras accès aux meilleurs services possibles”. De l’autre côté, on a ceux qui pensent que la technologie apportera une alternative - elle est déjà là, ou arrivera très vite - vertueuse, émancipatrice, décentralisée par essence. Il y a quelques années, le chantre de ce modèle était Jeremy Rifkin et sa Troisième Révolution Industrielle (un de ces livres précédents était le remarqué Rêve Européen, comme tu le vois, la pensée européenne est plutôt naturellement sur ce versant de la force).
Quoi de nouveau en dix ans de cette opposition ? Je vois 4 grandes tendances et un levier d’actions.
Giants are eating the world.
D’abord, si on en vient à appeller les Etats à la rescousse pour arbitrer, en tout cas réguler, c’est bien que les césaristes pragmatiques ont aujourd’hui le gros des divisions - pour reprendre le bon mot de Staline au sujet du pape, “combien de divisions” ? Les croyants de la technologie émancipatrice n’ont pas renié leurs dieux, ils ont même un nouvel évangile avec la blockchain… mais Facebook a beau être détesté et Zuck l’archétype du César qui pourrait devenir Néron, c’est bien l’entreprise qui gère le plus notre identité en ligne et celle qui a proposé le projet le plus abouti et ambitieux sur la blockchain, Libra. Les Césars nous gouvernent.
Moore contre le reste du monde.
Ensuite, soyons lucides, a fortiori après la crise sanitaire, les Etats ne sont pas prêts à collaborer à la bonne échelle sur ces sujets. Ils gagneront des batailles en Australie, en France, en Italie, … en Chine aussi, mais comment imaginer un démantèlement ou même aller assez vite pour anticiper les paris d’entreprises qui savaient que la crise sanitaire durerait 18 mois quand les Etats et leurs citoyens étaient partis, comme pour la Drôle de guerre en 1939, pour quelques semaines d’hostilité facilement gagnées…Un peu comme l’impôt tue l’impôt, le souverainisme tue le souverainisme. La vérité, c’est que les Etats, et nous avec, sommes réduits à ne pas pouvoir faire grand chose d’autre que ralentir les plateformes centralisées. Je pensais récemment à cette déclaration d’Arnaud Montebourg en décembre 2013, encore frais émoulu ministre du redressement productif (oui, on oublierait presque que ça a existé !), passé à la question - en anglais - de Français exilés en Silicon Valley, il avait été la risée de Twitter en déclarant : “we need to slow the innovation”... J’y étais : un roi qui déclare être nu, drôlement lucide non ? Donc, ne comptons pas sur l’Etat parce qu’il y a trop d’Etats.
Césars, technophiles, souverains, sénateurs, commonistes et free riders, les divisions à l’oeuvre.
La ligne de démarcation césaristes pragmatiques / utopistes technophiles reste pertinente mais un peu comme dans Game of Thrones où il n’y a pas que les Lannister et les Stark. Nous avons les souverainistes donc, dans le rôle des Targaryen et notre ministre-roi nu. D’autres familles participent au grand festin du numérique qui mange le monde.
Les sénateurs sont une autre tribu, ils sont ceux qui ont précédé les Césars. Oracle, IBM ou General Electric ont ce profil, Microsoft est un sénateur qui a réussi à devenir César. Ils ont du pouvoir mais sont bien moins puissants, ils ont dominé le monde mais, déclinants, ils sont le pendant “business” des souverainistes : ils sont réduits à faire surtout du droit et ce n’est que par les alliances qu’ils réussiront à se maintenir.
Ensuite, les commonistes (j’invente), fervents défenseurs des commons ou communs en français, ils tiennent à conférer à certaines données, certains objets, la qualité de “ressources partagées, gérées et maintenues collectivement par une communauté ; celle-ci établit des règles dans le but de préserver et pérenniser ces ressources tout en fournissant la possibilité et le droit de l'utiliser par tous”. Les commonistes ne sont pas tous technophiles, on compte parmi eux des technophobes au contraire. Ils sont un groupe pivot, utopiste et pragmatique, universaliste plutôt que souverain, technophile autant que technophobe : Google est bien content d’indexer des ressources “commonisées” comme celles de Wikipedia et les Etats se font souvent tirer l’oreille pour répondre à leurs obligations de mise à disposition du public de leurs données (du cadastre aux bases d’images des oeuvres des musées). Par leurs principes universels d’accès et d’interopérabilité, les commonistes forment une des tribus les plus puissantes dans ses principes et leur emprise dépasse largement les sujets logiciels : génome, formule des vaccins, relocalisation des industries…
A l’opposé, une autre communauté se caractérise par son individualisme et sa pure technophilie, je les appelle les free riders, non pas comme ceux que les économistes qualifient de passagers clandestins mais des riders, aventuriers, indépendants, avec free comme dans free speech pas comme dans free beer, pour reprendre l’exemple préféré de mes amis du logiciel free, libre et open source. Je vois Reddit et ses chans comme leur royaume. Ils sont plutôt nos Jon Snow ou les Han Solo pour varier les mythologies geek, les plus romanesques : entrepreneurs, hackers, mineurs de crypto monnaies, … leur ressort est leur bon plaisir ou leur intérêt, ils n’agissent pas par utopie ou pour le bien commun et s’ils sont pragmatiques, ils ne se soumettent à un système que pour le contourner ou le renverser à leur avantage.
Césaristes pragmatiques, utopistes technophiles, souverainistes, sénateurs, commonistes et free riders, voici les communautés agissantes, des alliances sont possibles, et, comme dans Game of Thrones, je ne vois pas l’empire dominant céder sans l’alliance de toutes les autres tribus.
It’s keography, stupid.
Napoléon, ce césariste, disait “la politique d’un pays est dans sa géographie”. Son numérique aussi ? Sur ces sujets immatériels, on oublie trop vite l’importance de la localisation. Notre Europe ne produira jamais de Césars, ces gigacornes à plus de 1000 milliards de valorisation. On se tape sur le torse à chaque fois qu’un tour de financement fait passer la valorisation d’une entreprise au-delà du milliard mais la vérité, c’est que c’est le flux de sortie qui compte, pas la taille du troupeau de licornes : dire que les GAFA représentent plus de 3 CAC40 c’est une façon de cacher que les GAFA valent bien plus de 100 Next 40. Nous n’aurons pas d’autre choix que d’être pragmatiques, souverainistes, commonistes ou free riders… et contribuer directement ou indirectement à créer de plus grands Césars en Californie ou en Chine… Pensez aux logiciels open source dont l’Europe est un contributeur important et qui sont les fondations technologiques des grandes plateformes, un peu comme les documentaires BBC étaient le fond du catalogue de Netflix à son lancement. L’Europe n’est donc pas seulement cliente, elle est dépendante et paie cher des services… qu’elle a grandement contribué à créer.La reprise en K va encore exacerber ces inégalités et la difficulté des souverains à “souverainer” : gouverner c’est choisir, les Etats vont être comme les lapins dans les phares d’une voiture entre ceux de la barre du k d’en bas qui pleurent et ceux de la barre du k d’en haut qui rient… et ceux qui rient iront du côté de la vitesse et de la performance et donc… du pragmatisme : comment imaginer que nos meilleurs industriels en sortie de crise s’interdisent de collaborer avec les Césars / grandes plateformes par doctrine, solidarité ou bénévolence ?
Bien trop long, j’ai monopolisé la parole, j’aurais pu faire une chronique de chacun des paragraphes (je leur ai donné des titres pour y revenir plus tard ?) et je dois m’arrêter sans partager ce que je vois comme leviers d’action dans ce nouvel ordre économique mondial… Ce sera pour la prochaine fois. Je l’ai tu jusqu’ici mais j’étais très fier de passer récemment ce diplôme sur Coursera, je ne savais pas où m’en vanter, alors je te le montre à toi et ça restera entre nous.
La théorie des jeux nous donne plein de concepts et clés de lecture de cette situation. Il me faudra donc un prochain Pause pour revenir sur les leviers d’actions et parler des points focaux ou points de Schelling, une notion très utile pour jouer à notre Game of Thrones et qu’Alex Danco utilisait brillamment la semaine dernière.
We Can Work It Out.
K : Je ne saurais que te rejoindre dans la lecture de ces mouvements par le prisme de l’épopée mythologique et de l'opposition quasi-religieuse entre croyants. L’activité qui occupe mes journées ne s’appelle pas hérétique pour rien !
S : La vérité, et entre nous je peux me permettre d’être snob, ClubHouse, c’est so 2020. Le vrai sujet du moment et d’avenir, c’est les NFT. Et si tu te souviens que j’ai cherché à vendre la Joconde il y a un an, je reste convaincu que Léonard aurait approuvé ce modèle, très bien expliqué par The Hustle. Rends-toi compte, c’est fascinant, que l’on peut vendre un tweet (surtout si c’est le premier), acheter des terrains sur une carte virtuelle, comme un mélange de Google Earth et de Second World ou un second cadastre. La technologie rend possibles la propriété et la transaction… comme souvent avec Internet, l’usage suivra et nos free riders, riches de leurs cryptos et plus-values sur Robinhood créent de nouveaux marchés.
K : C’est effectivement fascinant et tu l’avais vu venir ! Tu as dû également voir qu’ils ont même mis un Banksy sur la blockchain puis qu’ils ont brulé la toile pour être sûrs que la version NFT soit la seule à avoir de la valeur. Après avoir voulu dupliquer le réel dans le virtuel, nous voilà à détruire le réel pour qu’il puisse n’exister que dans le virtuel. C’est étrange mais je ne saurai conclure. En revanche, j’y vois 1. une tendance qui témoigne de la financiarisation croissante de nos sociétés (sujet que j’aborderai probablement dans mon prochain Pause) 2. un recul majeur de la seule chose qui était vraiment magique avec le numérique : la reproductibilité. Maintenant, entre ta photo de la Tour Eiffel et la mienne, il se pourrait qu’il y ait une différence, même si elles se ressemblent comme deux gouttes d’eau : que la tienne soit vraie et la mienne fausse. Ça ne va pas dans le bon sens cette histoire. Sans parler de 3. l’impact ecologique désastreux de cette folie des NFTs. Ce site te propose de voir la consommation énergétique nécessaire à faire vivre un NFT au hasard, et de le mettre en perspective avec la consommation d’un Européen moyen. En gros , 1 NFT, c’est 400kWh et 270kg de CO2. Autant qu’un Européen moyen pendant 1 mois et demi. Et ça, c’est sans compter les émissions de la toile de Banksy qui brûle !
N(adiya) : Juste avant d’envoyer, Stéphane, Kevin, il y’a encore eu une nouvelle fracassante sur le front des NFT… Lien.
S : Si l'avenir se demande parfois ce que Chuck Norris lui réserve, le passé, même le plus proche et le plus inexplicable, n’a pas de secret pour Yuval Noah Harari. D’ailleurs, le Financial Times n’a pas de paywall pour lui non plus. Lien
K : De toute façon, le futur ressemble de plus en plus à un passé recyclé. Il y a 50 ans, Neil Armstrong posait le pied sur la Lune. En 2023, ce seront 8 autres humains, qui auront la chance de repartir en orbite pour voir la planète bleue depuis son satellite naturel. Ils seront embarqués sur une fusée SpaceX dont Yusaku Muezawa, un milliardaire japonais, a acheté toutes les places pour un prix non communiqué. Et comment seront sélectionnés les participants ? Au bon vouloir du milliardaire qui a lancé la semaine dernière le concours dearMoon initialement destiné aux “artistes” mais finalement ouvert à tous. Ça ne m’étonnerait pas que tout ça finisse en télé réalité. J’ai pensé à appeler ça la “Star Academy”. Ça sonne bien, non ?
S : Tu te rends compte que Tesla a fait plus de profit en un mois avec ses Bitcoins que depuis ses débuts en vendant des voitures ? Et que 1,6 milliard de ses revenus qui ont contribué à ses 721 millions de bénéfices en 2020 provenaient des crédits CO2 revendus à d’autres constructeurs ? Ça me permet de répondre sur une de tes suggestions pour la rubrique Rewind, revenir sur un épisode précédent : je pense à celui où j’appelais à la création d’une nouvelle classification des secteurs industriels. Où serait Tesla dans cette nouvelle taxonomie ? Si tu as des idées pour définir par la pensée ou la donnée ces nouvelles classes, le sujet me passionne toujours autant.
K : Musk nous avait vendu du rêve sur la mission de l’entreprise, la transition énergétique et tout le reste. Et voilà qu’en étant l’heureux possesseur de 1,5 milliards de dollars de Bitcoins, Tesla devient de-facto un énorme pollueur. Là aussi, on s’est fait avoir. Tu vois, l’histoire n’était pas la même quand on a fait l’étude sur Tesla ensemble, il y a plus de 3 ans. Maintenant, si je devais classer Tesla, je la catégoriserais en entreprise “purement spéculative”. Sa valorisation de 600 milliards de dollars, 6 fois plus que Volkswagen, n’a plus aucun sens. “Ils produisent infiniment moins de voitures, c’est sûr, mais leur technologie les fera gagner la bataille du futur.” Voilà ce qu’on disait en somme. Mais en 2021, sa technologie de batteries ne constitue plus vraiment un avantage compétitif, la plupart des constructeurs se sont mis à niveau. L’IA pour les voitures autonomes alors, voilà la justification ! Là aussi, laisse-moi être circonspect. On sait maintenant que le facteur limitant de cette technologie c’est la loi. Et ça va mettre beaucoup, beaucoup de temps avant que ces voitures autonomes puissent côtoyer nos voitures manuelles. D’ici là, et c’est déjà bien engagé, tous les constructeurs auront constitué cet actif aussi. Donc en bref, Tesla, ce n’est plus qu’un constructeur comme les autres, avec une belle marque et de beaux brevets certes, mais en bien moindre quantité que Volkswagen et consorts. Et voilà à mon avis pourquoi Musk diversifie le portefeuille de Tesla dans le Bitcoin - dont il n’hésite pas à influencer le cours en twittant à tout va sur le sujet. En surfant sur la nouvelle vague spéculative, il cherche à préserver, par transitivité, sa valorisation hors-sol. Finalement Musk est plus proche de Gordon Gekko que de Nikola Tesla.
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