Nous sommes déjà en octobre, la reprise a été tellement chargée, nos activités après la distance et le masque ont souffert du “bullwhip”. Désolé de ce retard à l’allumage.
Qui dit rentrée dit nouveau départ.
Nouveau ! Tellement de newsletters de qualité, tellement de contenus lus, conservés et partagés avec passion, ici ou là et même ailleurs et encore aujourd’hui… après plusieurs années, le moment est venu d’assumer un exercice plus personnel et de chercher le sel et le sens de l’époque, ouvrir des parenthèses (une spécialité), des boîtes et des perspectives… Et à vous de trancher et surtout d’en faire quelque chose. Des projets ou un avis. On se trompera, je me tromperai plutôt, sans doute, forcément, mais arrêtons le « web à l’eau » (attention, image filée, il va falloir lire jusqu’au bout).
Départ aussi. J’avais besoin d’un partenaire, un peu comme Auguste et le clown blanc et sur nos précédentes saisons, j’ai eu la chance avec mes (plus) jeunes et (plus) brillants partenaires de jouer les deux rôles. Merci Kevin, j’ai adoré partager des pages et des pages de Google Doc avec toi et investis bien le temps que tu ne passeras plus ici à faire prospérer Hérétique et entendre vos voi-es-x. A deux, on est meilleur et le principe même des deux pistes de Stéréo n’était pas seulement l’assurance d’avoir un compagnon dans cet exercice exigeant mais aussi d’apprendre et de ne jamais renoncer à un de mes grands principes depuis que j’ai entrepris : « nous exerçons un métier formidable dans lequel on peut être jeune et avoir raison. » Ce qui veut bien dire qu’on peut être vieux et avoir tort… mais pas forcément non plus… bizarrement, j’ai même tendance à croire qu’on peut finir par avoir besoin de lunettes pour lire un écran et être d’autant plus pertinent sur des sujets qui 20 ans après le fameux éclatement de la bulle Internet sont devenus bien plus « murs »… La technologie et la nature sont bien faites, non ?
Puisque ce ne sera plus Stéréo, puisque ce ne sera pas mono pour autant mais que l’exercice sera personnel et que ça doit finir par « o »… je vais revenir aux sources et cette drôle de coïncidence : Fabernovel est le nom de l’entreprise que j’ai créée, Fano mon surnom, dans l’intimité et sur les réseaux sociaux… alors ça sera fa(ber)no(vel), fano pour Fabernovel.
K: Cette année de discussions - en public - a été un vrai délice Stéphane. Comme un jazz où l’harmonie et la dissonance font toutes les deux parties du jeu. Merci de ton invitation. Merci à tous ceux qui nous ont lu, et qui m’ont accueilli dans leur boite mail. J’espère avoir pu contribuer, ici, à votre réflexion sur une époque qui donne le tournis. Stéréo n’est plus, mais un nouveau fano est né, et c’est une excellente nouvelle !
Bonne saison Stéphane et longue vie aux 3 fano(s) : l’Homme, l’organisation et la newsletter.
Reboot, sequel, prequel, spin-off ? Nouvelle saison en tout cas. C’est parti.
Trois sujets m’ont donné envie de vous écrire ces dernières semaines. Le sujet du télétravail qui a tellement libéré nos organisations et encombré nos discussions depuis mars 2020. La levée colossale de SoRare et plus généralement de nos licornes. Et MC Solaar enfin.
Interdit de fumer au télétravail ?
S’il y a bien un sujet que j’ai vu changer à jamais, c’est l’acceptation de la cigarette. J’ai commencé ma carrière à un moment où il était courant, voire encore parfaitement accepté, de fumer à son bureau. En 2021, Philip Morris a défini, comme beaucoup d’autres entreprises, sa raison d’être, vous la connaissez ? « Delivering a smoke-free future ». C’est dire, ne vous pincez pas, ne riez pas, on en est là. Et tant mieux.
Au même moment, nous avons tous découvert les joies et la liberté du télétravail dans un mouvement sans précédent ni retour. En tant que travailleur, comme vous toutes et tous, rémunéré ou non, étudiant, actif ou retraité mais aussi comme chef d’entreprise, j’ai pratiqué une paroi que je qualifie de Gore-Tex, cette matière magique qui laisse passer la transpiration dans un sens mais pas la pluie dans l’autre : le mouvement a bénéficié à la partie « perso » du graal équilibre vie pro / vie perso sans contrepartie. Et tant mieux.
Mais tout à coup, comme la banque Nomura l’a posée, la question de la cigarette et du télétravail, de la responsabilité de l’employeur et de la liberté de l’employé se percutent et ma paroi Gore-Tex est tout à coup toute froissée. Est-ce qu’il ne relève pas d’une entreprise responsable et bienveillante d’interdire sans la moindre hésitation la cigarette à ses collaborateurs en télétravail ? La question est d’autant plus justifiée que les statistiques montrent que les confinements ont fait grimper la consommation de tabac – comme toutes les addictions en général – ce qui n’était pas arrivé depuis très longtemps…
Alors, on interdit ou pas la cigarette à la maison pendant les horaires de bureau ? Mais ces horaires n’ont plus vraiment de sens, alors on l’interdit tout court ? Mais comment ? De quel droit ?
La question n’est pas si bête. Jouez avec, parlez-en autour de vous. Elle a de plus le mérite de rendre le Gore-Tex reversible…
SoRare qui rit, Carrefour qui pleure
Nous avons tous applaudi le dernier record de la FrenchTech. Quelle fierté, quelle démonstration. Nous avons enfin des champions globaux qui éclosent vite et fort, soutenus par un continuum de financement et un écosystème qui leur permettent d’être aussi ambitieux que les entrepreneurs de la Silicon Valley. C’est d’ailleurs un des enseignements de notre nouveu GAFAnomics Quarterly : les new kids on the block sont européens, l’écosystème d’innovation en Europe et en France affiche des croissances supérieures aux États-Unis. Quel chemin parcouru. Le verre est plus qu’à moitié plein. Mais permettez-moi de le voir un quart vide. Et d’y observer – ne me demandez pas comment je coupe le vide en deux, c’est une technique apprise dans un stage de jeûne thérapeutique dans le désert en lisant la raison d’être de Philip Morris – deux huitièmes.
Le premier, c’est que nos fières licornes, même en troupeau, ne formeront pas un concurrent ou même une alternative aux GAFA. On progresse mais on reste en division nationale ou d’honneur, pas mieux. Le deuxième, c’est que comparer un service aussi génial qu’il soit d’images Panini en NFT valorisé près de 4 milliards (de dollars) à Carrefour valorisée 12 (d’euros), ça donne le vertige. Premier employeur de France, celui qui remplit des dizaines de millions de nos frigos et a façonné nos zones urbaines, périurbaines… la France en fait, cela laisse songeur. Et si la victoire de la FrenchTech était aussi la défaite de la bourse de Paris au moment où Xavier Niel décide de sortir Iliad de la cote ? En tout cas, 3 SoRare en capital risque pour 1 Carrefour côté, il y a un truc qui cloche et je suis convaincu que cette pépite du Web3 (le terme qui émerge pour parler de cette nouvelle génération d’application de la blockchain et surtout plus généralement cette nouvelle vague technologique et ce nouveau paradigme décentralisé) vaut ses milliards au moment où je vous écris, le problème est donc ailleurs.
MC Solaar, éloge de la troisième voie
Des années, plus de 20, qu’on attendait le retour des grands albums de MC Solaar, l’artiste qui a autant donné de lettres de noblesse au rap français qu’il l’a rapproché de la variété. Des fâcheries et mauvaises manières juridiques avec sa maison de disques avaient interdit leur réédition comme leur diffusion sur les plateformes de streaming.
J’avoue, j’aime MC Solaar, il chantait « bouge de là » pour fêter mon bac, il y a 30 ans. Est-ce parce que nous avons grandi dans le Val de Marne lui et moi ? Est-ce que nous avons connu deux mondes, l’ancien et le nouveau ? Ahh ses vers dans Nouveau western sur un sample de Gainsbourg, ma plus grande idole : « Il entre dans le bar, commande un indien, scalpe la mousse, boit, repose le verre sur le zin(c)… » ou dans Obsolète « Naguère les concierges étaient en vogue, désormais on les a remplacées par des digicodes, dans ma ville il n'y avait pas de parcmètres, je voyais des ouvriers manger des sandwiches à l'omelette ». Mes deux siècles se téléscopent.
Seul rappeur dont on comprend chaque mot, chaque syllabe, il dit « je ne crie pas, je raconte ». Dans l’émission que Rebecca Manzoni (je l’adore !) lui a consacré il y a deux semaines sur France Inter on entend l’humiliation qu’il a subi de la part de Jacques Martin pape du PAF et patron des dimanches des années 1970 à l’aube de l’an 2000 pour sa première apparition. Je l’avais oubliée. Je me rappelais en revanche du mépris des grands du rap, de notre East Coast et de notre West Coast à nous, la banlieue parisienne contre les quartiers nord de Marseille, NTM de Saint-Denis contre IAM. MC Solaar, c’était de la « variét’ ». On parlait de “rap à l’eau”, comme s’il avait été coupé, dilué.
Parce que je l’ai aimé, parce que j’ai assisté à ses débuts, parce que nous avions été privés de ses œuvres, mais encore plus parce qu’il revendiquait le « radicool », le radical cool, une troisième voie dans laquelle je me reconnais assez, je suis content de retrouver MC Solaar.
Un mot pour la fin
Bullwhip, ou effet bullwhip, qui veut dire « coup de fouet », vous en entendrez de plus en plus parler. C’est un principe selon lequel « plus la perception de la demande s’éloigne du consommateur final, moins elle est exacte ». C’est ce qui explique les défauts et ruptures qu’on peut constater sur les chaînes logistiques et qui provoquent pénuries et inflation lorsque les acteurs de la chaîne anticipent trop ou mal la demande. Masques, microprocesseurs, essence, papier toilette, chaussures… Le coup de fouet est notre ennemi et pourtant nous sommes tous, tour à tour, à un bout ou l’autre du fouet.
Et puis un lien ou deux quand même, parce que je ne peux pas m’empêcher
Un article qui me semble important sur le financement de la tech et son évolution écrit par un venture capitalist, Mark Suster, qui prend le risque de projeter son métier jusqu’en 2031. Je suis convaincu depuis longtemps que ce sont les capitaux-risqueurs qui font la pluie et le beau temps dans nos écosystèmes et que le métier de directeur financier d’une entreprise est appelé à de plus en plus ressembler au leur. Bref, c’est de l’excellent grain à moudre. Lien
Et puis, j’ai évité de vous parler de Zuckerberg… pour moi, ses jours sont forcément comptés à la tête de Facebook et ce à quoi j’ai le plus pensé ces derniers jours, c’est au film de David Fincher, qui date de 2010, 6 ans après la création de l’entreprise et il y a donc déjà plus de 11 ans. L’épaisseur dramatique et la part d’ombre du personnage est sans équivalent, le réalisateur, en tant qu’artiste, l’avait compris bien avant les autres. Alors, intéressons-nous à un autre personnage fascinant, glaçant, de l’épopée numérique et capitaliste du 21ème siècle, levons le voile sur Peter Thiel, premier parrain de la Paypal mafia, et dernier patron d’Elon Musk (c’est dire) et le seul personnage de la Silicon Valley à avoir soutenu dès sa candidature aux primaires républicaines Donald Trump. Lien
Toujours un plaisir de te lire…